Radio Grandpapier

Autour de Frémok

Joanna s’est intéressée au geste créateur. De son côté, Stéphane a été voir du côté d’artistes qui tentent de ralentir le flux de la narration pour nous perdre dans la matière de l’image, au risque parfois de produire de l’ennui.

L’ordre caché de l’art de Anton Ehrenzweig

L’ordre caché de l’art est un livre qui décortique le processus créatif.
Il décrit comment cohabitent les différents niveaux de notre conscience, et comment notre esprit les gère lorsqu’on crée ou lorsqu’on est face à une oeuvre.

Comment ces niveaux peuvent être en conflit : incompréhension, malaise, rejet...
Comment peut évoluer notre perception, de quoi est faite notre sensibilité.

“La perception, la vision tout particulièrement, assure notre prise sur la réalité. Ainsi s’explique probablement que nous soyons si peu désireux d’accepter que la perception soit instable ( …). La perception a cependant une histoire ; elle change au cours de notre vie, et même à l’intérieure d’un laps de temps très court ; plus encore, sa structure change selon les différents niveaux de la vie mentale, et varie suivant le niveau qui est stimulé à un moment particulier. Seule notre expérience consciente lui accorde la structure compacte et stable que postulent les psychologues de la gestalt. Nous avons vu que notre perception gagne en fluidité et en malléabilité à mesure que nous pénétrons dans les couches plus profondes de l’attention : rêve, rêveries, images subliminales, et visions rêveuses de l’état créateur. Elle élargit alors son foyer pour embrasser les structures les plus vastes. Ces différentes couches de différenciation dans notre perception sont en interaction constante, pas seulement lors de ces dérives massives qui se produisent entre le rêve et la veille, mais aussi dans la pulsation rapide de différenciation et de dédifférenciation qui ne cesse de scander à notre insu notre vie quotidienne.

Gianluigi Toccafondo

Réalisateur italien né dans les années 60.
Par rapport à la thématique soulevée par “l’ordre caché de l’art”, je trouvais intéressant de citer ses films.
La plupart des films d’animation sont décomposés, découpés, dans tout les sens du terme. En plans, en calques ( décors d’une part de l’autre, personnages.....), en scènes, soigneusement programmées et minutées. Le travail en soi est délégué, et se ramifie du réalisateur jusqu’au “intervalistes” ( qui dessinent les phases manquantes entre deux dessins “clé” souvent dessinés par un autre animateur... ).
S’il s’agit de se dégager d’une “manière de faire”, de laisser sa pratique “ouverte”, permettre l’accident, laisser remonter à la surface une expression plus spontanée, comment faire cohabiter cela avec l’exigence technique de l’animation ? Travail basé sur la répétition image après image, comment la spontanéité survit dans cette pratique, peut-elle exister ?
Toccafondo travaille avec des images imprimées tirées de prises de vues réelles ( rotoscopie ).
Il ne se contente pas ensuite de redessiner le mouvement pour obtenir une sorte de film peint, il utilise cette base pour assurer une cohérence visuelle à son film. Dégagé de la contrainte de la vraisemblance du mouvement, il se réapproprie totalement chaque image en peinture. Il soumet la série d’images à un véritable travail pictural.

Michael Snow

Mickael Snow (1929) a produit nombre de films dans lesquels le temps est étiré jusqu’à l’insupportable. Ainsi "Wavelength" et son travelling avant quasiment imperceptible, faisant apparaitre quasi hors champ des morceaux de narration, le tout accompagné d’un son continu et de quelques "bangs" dans la bande son, histoire que l’on reste éveillé.

Et surtout "See you later" (1990), dans lequel un plan simple (un homme quitte son bureau, met son chapeau, salue la secrétaire et ouvre une porte), démarré en temps réel, se ralentit continuellement, jusqu’à devenir un plan fixe. Le plan initial de 30 secondes se voit ainsi étiré sur 17 minutes. Impossible de trouver trace de ce film expérimental harcore sur le net cependant.

Citons, dans une proximité avec ce travail, l’installation "Sudden" de Catherine Menoury, étirant un double film d’accouchement, de quelques minutes, sur 23 jours 23 heures et 50 minutes, rendant le mouvement imperceptible à l’oeil nu.

Super Mario Clouds de Cory Arcangel

Cory Arcangel (http://www.coryarcangel.com/) est un artiste Américain vivant à New York, né en 1978. Il fait partie d’une génération d’artistes qui a grandi avec les consoles de jeux. Faire entrer la culture 8bits au musée semble son pari réussi.

Avec "Super Mario Clouds", une oeuvre datée de 2002, est en fait un hack de la cartouche de jeu Super Mario. Cory a juste enlevé le jeu pour ne laisser qu’un programmation utilisant les "sprites" (images stockées dans la puce) de nuages du jeu, défilant librement de droite à gauche dans le bleu pur d’origine. Vous pouvez télécharger la cartouche virtuelle et l’émuler avec votre ordinateur. C’est gratuit, ou hacker la cartouche vous même grâce à son mode d’emploi, ou acheter la cartouche hackée (25000 dollars).

Voir le texte sur codedrops.net

Viewer de Gary Hill

Gary Hill est un artiste anglais utilisant le son et l’installation vidéo depuis les années 80. Avec “Viewer” (1996), il montre, en taille réelle, 11 travailleurs émigrés mexicains que Hill filme et dispose en ligne, projeté sur le mur à taille réelle et en couleur. Debout, dans des attitudes vaguement gênées, ces personnages sont silencieux. Il regardent droit dans la caméra, suent, passe d’une jambe sur l’autre, autant de gestes qui leur donnent une présence forte dans l’espace d’exposition. On peu s’approcher très près de la projection, et on est alors face à des corps, et paradoxalement des spectres, des apparitions lointaines mais insistantes.

Peter greenaway

Rarement de mon vivant je n’ai vu telle ascension et telle chute : autant Peter Greenaway DEVAIT être vu dans la fin des années 80’, autant il est devenu un parfait inconnu aujourd’hui. Il est donc peut être temps de redécouvrir quelques unes de ses bizarreries, excentriquement anglaises, même si de fait ses films ont vieilli. Si la pop des heigties revient à l’avant plan depuis quelques années, pourquoi pas lui...
Greenaway a donné la place belle à la peinture et au dessin dans son travail. Son premier long métrage met en scène un dessinateur (the draughtman contract, 1982) et Zoo (1985), le suivant, cite abondamment la peinture.
Mais on choisira “A walk through H” (1978), étrange film racontant un parcours vers “H” au travers une série de dessins supposés être en partie de la main de Tulse Luper, chacun considéré comme le plan d’un espace ou une ville, qu’une voix off décrit avec multes anecdotes échevelées. On se perd totalement dans la quantité de détails et de relations complexes qui se tissent dans ce récit, le tout emmené par la musique de Nyman avec qui collabore déjà Greenaway. Le film est donc exclusivement l’exploration de dessins, commençant par un travelling avant, finissant par un travelling arrière, silence revenu. Le film se trouve sur un compilation des premiers travaux de Greenaway, mais impossible d’en trouver trace sur le net. Un lien sur ce film, cependant, ici.

On pourra de manière plus classique revoir Zoo, qui voit deux frères frappés par la perte simultanée de leur femme dans un tragique accident, décidant de comprendre le sens de lavie, l’un par le retour au origines de la vie (volcans, unicellulaire, poissons, etc.), l’autre par la décomposition des espèces animales. Le film possède le côté décalé d’un film de la nouvelle vague - tout le monde flotte un peu dans l’histoire - et donne la part belle à l’image, avec des morceaux de documentaire, des vues de peinture de Vermeer et des films accélérés sur la décomposition.

Sur le net on peut trouver :
Intervals (1973), une suite de plans de murs

Mince ! et “Zoo” complet sur le net