Radio Grandpapier

Autour de "Nos restes"

"Nos restes" fait partie d’une jeune génération d’auteurs qui fait la synthèse entre la tendance "graphique" du début des années 90’ (Fréon, Amok, cinquième couche, et même hôpital brut) et le retour narratif (pleinement dominant aujourd’hui) des années 2000. Un retour sur le dessin et des techniques apparentées comme la gravure, des méthodes de ralentissement de production graphique. Là ou un Trondheim laisse tomber la domination plastique pour produire du récit au kilomètre avec une approche synthétique du dessin, on a ici un dessin cherchant sa voie entre analytique (le dessin d’observation) et le synthétique (la recherche dans la matière du médium de ce qui peut faire allusion). La force de Nos Restes est de ne pas lâcher de vue la narration, qui "flotte", se perd parfois, mais reste la structure qui soutient le livre.

De manière générale, le dessin a retrouvé une place forte dans l’art des années 2000, après avoir été plutôt discret dans les années 80-90. Des notions comme la virtuosité, l’anecdotique, la fragilité et peut-être la connexion secrète entre le dessin et les beaux arts (le dessin d’après modèle, le nu, la notion même d’apprentissage classique par soumission à un modèle que l’on doit "reproduire") ont mis le dessin à l’index pendant la période allant du pop art à l’art conceptuel.

En tous cas le geste, la recherche entre précision et relâchement, entre synthétique et analytique, et la préciosité inhérente au dessin, voire son caractère désuet et low-tech, en font un médium à nouveau recherché. Comme déjà évoqué, l’anecdotique, le narratif, longtemps méprisés, reviennent aussi dans l’art, ainsi que l’humour, l’ironie, et, heu, une certaine forme de générosité.

Quelques artistes

Citons David Schrigley (voir son site très complet), artiste écossais actif aussi bien en dessin, animation, qu’en sculpture et installation. Des installations dans l’espace public ultra-cheap, hilarantes et percutantes. Plusieurs de ses carnets de dessin ont été édités.
Par ici, un projet musical très alléchant chez Tomlab :"Worried Noodles"

David Schrigley

Raymond Pettibon, connu pour le dessin de la pochette des Sonic Youth, est un des fondateurs du groupe Black flag. Il réalise des dessins parfois gigantesques, mêlant des thèmes religieux, historiques avec la sous-culture américaine, du baseball au rock et bien sûr le comics.

On peut aussi citer Daniel Johnston, qui associe aussi dessin et musique, mais Johnston est plutôt à classer dans la catégorie "Folk art", moins proche de notre thématique du jour.

Plus convenu mais marquant, l’anglais Bill Plimpton a créé un choc dans les années 80-90 avec ses animations nerveuses et grimaçantes. "Horn Dog", plutôt un clin d’oeil au court-métrage de C.Roosens et N.Marsily "Caniche", mais pour un contenu plus dense et un dessin plus abouti ( selon moi !) :
"Idiots and Angels", ou encore
"Santa, the fascist years"

Bill Plimpton

Ed Templeton a produit, parallèlement à sa carrière de skateur professionnel, une oeuvre faite de dessin, de photographies, de sculptures et de peintures, le tout assemblé avec beaucoup de liberté dans l’espace des galeries. Dans la continuité d’une Nan Goldin, il fait le portrait de son microcosme social immédiat, et de leur habitus : le skate, la cigarette, l’amour et les coucheries, les longs trajets en bagnole. Le désir et la rencontre sont au centre de son travail, et le dessin - et la carrière sportive puis artistique - font partie de ses moyens pour continuer un mode d’existence nomade et branché.

La beauté convulsive

Richard Billingham, la façon brutale et lyrique avec laquelle il a fait le portrait de sa famille en vidéo et photographie, est un mélange juste et déroutant de tendresse et laideur. L’alcool, la violence et le vomi y cotoient la joie sans mélange et l’amour s’y inscrit dans la chair grasse et flasque. Billingham photographie au flash, en couleur, avec un mépris évident pour la belle image. Un anglais, encore un, tiens.

Voir quelques vidéos de Billingham

Nick Waplington, dans un style plus chatoyant, avec des flashes indirects, et des cadrages plus maniérés, produit avec "Living room" une série d’images autour de 3 familles dans lesquelles il s’immerge pour en tirer des scènes intimes, et fait se rejoindre le bordélique et le baroque.
Quelques autres images ici