Autour de Pierre Feuille Ciseaux
La modernité était censée faire disparaitre l’artiste derrière son utilité social. En réalité, l’artiste et son nom n’ont fait que monter en puissance. La défense des droits d’auteurs sont une dérive assez symptomatique de la constitution de la pratique artistique comme capital et non comme partage.
Travailler en groupe, s’oublier soi-même dans le collectif, ce n’est pas très compatible avec le marchandising, avec la capitalisation sur le nom propre. Travailleur à la pointe de la dérégulation du marché du travail, l’artiste se fait constamment déposséder de ses “trouvailles” par une industrie culturelle en roue libre. Il n’y a plus de neige la nuit sur les écrans de télévision, et la société des loisirs a créé la consommation de masse là où on espérait des espaces de rencontre enrichissants.
Les artistes, tous médias confondus, sont donc généralement dans un double mouvement : enrichir leur pratique par le contact avec des pairs, et développer une pratique “personnelle”, le rendant identifiable pour un marché qu’il ne peut nier. Là ou l’individu dans les années 70 était aussi bien mis à l’avant plan (“jouissez sans entrave”) que critiqué par la gauche baba (la fameuse critique du “petit bourgeois”, référence à l’individu replié sur lui-même), les années 10’ obligent à dealer entre “la jouer perso” et être capable de travailler au sein d’équipes.
Travailler ensemble dans un espace/temps court, en gardant son identité, semble la voie médiane approchée par Pierre Feuille Ciseaux. Comme une bulle jouissive, dans une résidence élitaire.
S’il y a bien un endroit où la bande dessinée contemporaine rejoint les peintres contemporains, c’est celui de l’organisation du travail. Là ou les compagnies de danse, les performeurs, les musiciens produisent des objets communs, la bande dessinée dépasse rarement le couple scénariste/dessinateur. Dupuy et Berberian ont largement commenté la difficulté qu’ils avaient à expliquer leur mode de collaboration, alors qu’elle n’engage que deux personnes. Nous proposons ici quelques réjouissants groupes d’artistes contemporains.
The Gob Squad
Ce collectif créé en 1994 par d’artistes britanniques et allemands basé à Nottingham et à Berlin. Ils produisent des performances, parfois dans l’espace public, ainsi que des vidéos et du théatre. Le groupe est composé de membres permanents : Johanna Freiburg, Sean Patten, Berit Stumpf, Sarah Thom, Bastian Trost and Simon Will, et d’intervenants par projets
Voir la courte vidéo “why we make performance” sur youtube
Une vidéo touchante et décalée, sur la performance “save the world”, dans laquelle ils doublent leur approche de travail en groupe d’une performance incluant des inconnus dans la rue.
Miranda July
"Sometimes it is a relief to be told what to do. We are two artists who are trying to come up with new ideas every day. But our most joyful and even profound experiences often come when we are following other’s people instructions. When we are making crepes from a recipe, attempting to do a handstand in yoga class, or singing someone’s else song. Something it seems like the moment we let go of trying to be original, we actually fell something new- which was the whole point of being artist today. " ...
Dans le genre participatif, le site "Learning to love you more", travail de la jeune artiste américaine Miranda July ( + Harell Fletcher ), ou encore son travail de scuplture "Eleven Heavy things" sont entièrement dédiés à l’intéraction avec les visiteurs. L’artiste nous invite à proposer quelque chose, laisser une trace ( photo, écrits, vidéos...), se laisser pénétrer par son univers, jouer à son jeu.
Voir aussi "No one belongs here more than you", leçon de promotion ( car l’artiste écrit aussi !).
Enfin, voir aussi le très touchant "Me and you and everyone you know" film qu’elle a écrit, joué, réalisé... et qui constitue une belle entrée dans son univers.
Graffitti research lab
Fondé par Evan Roth and James Powderly, c’est un collectif new yorkais organisé autour de l’intervention urbaine et les nouvelles technologies. Un groupe de recherche autour du tag, mais dans une version hi tech, plus ambitieuse dans son désir de lisibilité, le groupe a créé des outil en milieu urbain, grâce à des projecteurs vidéos de grande taille. Plusieurs inventions techniques dont le plus célèbre est le tag au crayon laser via des projecteurs montés sur des triporteurs. Issus d’une culture de geek, Roth insiste sur des aspects open-source de son travail. Ainsi les plans de sa machine à projeter des tags sont accessibles, ainsi que les logiciels nécessaire à fabriquer son propre prjecteur. Plusieurs “cellules”, extensions du groupe dans d’autres villes, on été créées à Vienne, Amsterdam, et Mexico.
Dernièrement, ils ont créé un logiciel permettant d’enregistrer les mouvement du dessin d’un tag fait avec une simple lampe de poche sur un mur blanc. Les “tags” ainsi récupérés peuvent être envoyé sur un de leur site et être projeté lors d’événement.
Le rapport personnel/collectif est ainsi fondu par la technologie en une série d’événement festif aux limites parfois de la légalité.
Atelier Van Lieshout
http://www.ateliervanlieshout.com/
Un groupe constituée autour du personnage de Joep Van Lieshout, basé à Rotterdam. Selon la légende "travaille comme une PME". Cet atelier créé en 1995 répond à des commandes d’art public et propose des pièces souvent massives, en polyester coloré. Une vingtaine de personnes travaillent en combinant leurs compétences, des architectes au ouvriers qualifiésEntre architecture, design et art grotesque, ces pièces sont souvent ludique, avec une bonne dose de mauvais gout. Une thématique récurrent est l’autarcie, le groupe a présenté plusieurs prototypes de maison autarcique, permettant par le recyclage, et des systèmes de culture et de production d’énergie une autonomie totale à des groupes d’individu. Des projets politiques un peu effrayant s’en accompagne généralement, principalement dans la série d’objets autour du projet “slaveCity”.