Radio Grandpapier

Autour de "The Swamp Thing"

"The Swamp Thing" évoqué ce mois-ci par Nicolas, c’est un homme transformé en "chose végétale à apparence humaine", à moins que ce soit plutôt des végétaux qui auraient pris quelque chose d’humain, bref, l’occasion pour nous d’aller voir si on trouve des choses de l’ordre de l’animalité et de la végétalité dans l’art.

Le cactus de Frederic Gaillard

Le végétal est associé dans nos têtes à une temporalité longue et à un comportement statique. Dès que la plante bouge (les plantes “carnivores” par exemple), on a tendance à l’associer à l’animal.
Frédéric Gaillard, un sculpteur belge, a réalisé plusieurs pièces faisant intevenir des végétaux, avec leur propre temporalité et les conditions nécessaires à leur survie. Mais dans plusieurs d’entre elles, il place ces végétaux dans des conditions inhabituelles.
Ainsi, une de ces pièces (SAns titre, 2001) place des cactus sur de petits moteurs rotatifs. En la voyant ainsi tourner, on est pris d’une empathie étrange. Et on se dit qu’on ne sait pas du tout ce que ça peut faire à un cactus de tourner sur lui-même.

Gaspard insistait lors d’une interview sur le fait qu’une fleur avait poussé sur un des cactus, preuve de bonne santé.
Une autre pièce est constituée d’un rouleau à peinture actionné par un moteur, reconverti en biotope pour cressonette. De la lumière et de l’eau permettent aux fragiles pousses de vivre sur ce simulacre de planète expérimentale.

La plante de David Bowen

Growth rendering device, pièce autonome, suit le développement d’une plante. Chaque jour, un appareil bricolé dessine l’ombre d’une plante sur un rouleau de papier. Après quelque jour de développement, par la juxtaposition des ombres, apparaît ce qui ne peut être vu à l’oeil nu. cette pièce d’art numérique est froide, distante et autonome comme on les aime.
A voir sur le site de Bowen, le telepresence wind.

Les fleurs d’araki

Nobuyoshi Araki est un artiste japonais connu pour sa compulsion photographique doublée d’une érotomanie très nippone, alliant prostituée, bondage, le tout dans une esthétique irréprochable de photographie de mode.
Il a réalisé des photographies de fleurs à partir de 1996, avec la même intensité érotique qu’il photographie ses maitresses dans les chambres d’hôtel ou les mannequins d’agence. Les photographies sont des gros plans, frontaux, les fleurs sont ouvertes, les couleurs crues. On ne peut manquer l’aspect explicite voire pornographique de ces images. Araki ne s’en cache pas, il photographie des organes reproducteurs.

Bioprésence de Shiho Fukuhara et Georg Tremmel

Deux artistes anglais, Shiho Fukuhara et Georg Tremmel, travaillent depuis plusieurs années sur l’impact de la manipulation génétique sur la société. Ni techno-enthousiasme, ni militantisme anti-ogm, on est ici dans une approche artistique mélant ironie et interrogation. La manipulation génétique est de fait déjà dans nos vies, en tant qu’artistes Shiho et Georg essaie d’interroger son impact dans des domaines impensés par les scientifiques.

Avec Bioprésence, ils proposent de tirer parti de l’hybridation génétique pour garder près de soi quelque chose des êtres aimés mais disparus. En effet, un hybridation entre l’adn de votre époux et celui d’un arbre peut garder en vie quelque chose de l’être aimé, de prolonger sa vie dans un végétal noble et symbole de sagesse et de longévité.

Ils donnent le nom de "Living Memorials" ou "Transgenic Tombstones" à leurs créations.

Si technologiquement l’opération est foireuse, elle ne pas plus abstraite que de garder une boucle de cheveux. Et nous permet d’enrichir le spectre de nos émotions, voire inventer de nouvelles pratiques à l’heure où l’enterrement via l’église n’est plus qu’un pis-aller.

http://we-make-money-not-art.com/archives/2004/11/-biopresence-by.php#.UO_tiLbmmiY
http://biopresence.com/description.html

“Wilder Mann ou la figure du sauvage” de Charles Fréger.

Un livre de photo édité chez Thames & Hudson.

Nous avons tous des images de rites venant du monde entier, mais qui sait que chaque année, dans toute l’Europe, de la France à la Bulgarie, de la Finlande à la Sardaigne, des hommes perpétuent des rites multiséculaires liés aux cycles des saisons, à la fécondité, à la fertilité, à la faveur des esprits, en disparaissant sous d’incroyables costumes faits de peaux et d’ossements animaux ou de végétaux ?

Parfois simplement recouverts de mousses lors d’un carnaval en Espagne, on trouve des figures zoomorphes muettes et inquiétantes dignes d’un film de Miyasaki au Portugal ou en Sardaigne.
“Kurenti”, le démon qui chasse l’hiver et fait renaître le printemps en Slovénie est un imposant monstre poilu et couvert de cloches, fait de peaux de mouton, de plumes d’oiseaux, et de rubans colorés, et son visage est un masque peint effrayant.
Le “Sourvakari” Bulgare amène la prospérité. Son costume est fait de rubans colorés, ou de végétaux assemblés, et est couronné d’une immense tête géométrique faites de plumes, d’ossements d’oiseaux et de petits miroirs.

Même si ces rites ont aujourd’hui perdus de leur symbolique, la diversité et la richesse de ces “figures sauvages” véhiculent une puissance déroutante.