Le style, la marque de fabrique ?
En art (au sens large), le style est l’ensemble des caractéristiques qui définissent une époque, un artiste, un mouvement ou genre artistique. Une oeuvre qui "vieillit bien" est-elle celle qui n’a pas de style, ou celle qui au contraire possède le maximum de ces caractéristiques ?
“Quoi de plus difficile
Que d’être inutile
D’être du vent
De n’être rien
Et être tout
Avec du style
Le style avant tout”
"Philippe Katerine” Inutile (8eme ciel)
On est pris, avec ce concept de style, entre deux feux.
_Soit considérer que le style est dans le fond une superstructure, quelque chose déposé sur le fond, la cerise sur le gâteau parfois de trop. Alors on snobera en intellectuel intègre ce déguisement marketing du sens, comme on méprisera la chanson de Katerine, qui semble le réduire au dandisme.
Soit on considère que le style est la matière même, la base phénoménologique de l’expérience artistique faite de surface et de sensation. Dès lors on verra le style comme la chose même, ce qui fait la différence entre deux oeuvres.
on optera ici pour cette deuxième approche, pour ne pas bouder notre plaisir.
Puisque l’on part de la maison d’édition Nobrow, il ne faudra pas parler de style dès lors, mais de ce style, de ce renouveau de la matière en arts graphiques, de ce retour au métier. Nobrow publie des livres très présents plastiquement, très loin d’un, disons, Jeffrey Brown par exemple. On a quelque chose qui croise la surprise qu’a pu provoquer un Chris Ware au milieu des années 90’, la volonté de faire matière des Frémok et le désir d’expérimenter les outils d’impression, ceux-là même qui façonnent les livres, d’un Blexbolex.
Standard time de Mark Formanek & Datenstrudel
Des hommes se relaient toute un journée pour afficher une horloge digitale géante en bois. Cela donne un film, dans lequel digital et analogique sont intimement mêlés.
Standard time est une vidéo, fruit d’une performance. On est dans un étrange rapport au métier, un de ces travaux qui rappellent que le numérique suit une longue suite d’innovation destinées à soulager les hommes de la pénibilité du monde (et pas le offrir plus de jouissance dans une société d’abondance).
Au total 70 travailleurs ont réalisés parallellement au temps réel, à l’aide de planches en bois, une montre digitale de 4 x 12 metres : 1611 aménagements en 24 heures.
Sans laisser de blanc, la video a tourné pendant 24 heures et est maintenant disponible comme montre.
Standard Time est une oeuvre de l’artiste Mark Formanek et réalisée par l’agence de medias Datenstrudel.
Signals de Casey reas
Casey Reas est une figure importante du design génératif, père avec Ben Fry du logiciel open source Processing.
Les dessins de Casey Reas sont les fruits de processus informatiques, des petits objets programmés qui suivent quelques règles strictes. Pour Reas, le processus est la matière même de la pièce, plus importante peut-être que le dessin. En ça, il est le fils spirituelle de Sol Lewitt, qui a vendu une bonne partie de sa vie des énoncés sur feuilles A4 décrivant le processus de dessins. Mais comme Lewitt, Reas ne néglige mine de rien pas la forme : ses dessins sont souvent riches plastiquement. Le résultat est souvent plus beau que la simple énoncé, ce qui nous rappelle que nous devons investir l’espace performatif de nos vies, plutôt que d’être les simples exécutants de règles sociales.
Les Krims
Les krims (c’est son nom) est considéré comme un photographe conceptuel, mais ses images des années 70’ montrent une ironie, un érotisme, un sens de la mise en scène très reconnaissables. Un style donc, singulier, étrange, sale, qui lui a valu une sacrée traversée du désert. On redécouvre ce travail depuis quelques années. Comme le disait Andy Warhol “quand on tient quelque chose de bon, il faut tenir. Ça revient toujours”.
Run Wrake
Deux exemples ici de films d’animation pour lesquels le réalisateur assume complètement le parti pris graphique :
"Rabbit", a été conçu suite à la découverte d’une série de stickers éducatifs des années 50 illustrée par Geoffrey Higham :
L’imagerie proprette est détournée au service d’une histoire assez cruelle qui n’a plus rien à voir avec l’enfance...
"The master control" est à base d’images prises sur internet, des "CSA Images", toutes dans un genre comics U.S. pour une histoire de gentils/méchant avec super héros. C’est assez drôle.
Emma de Swaef
Est une jeune réalisatrice belge. Dans ce troisième film, elle raconte les rêveries d’un employé de bureau. On plonge alors dans un univers doux, bizarre et assez silencieux animé en... tricot. Un rendu assez inédit en animation, avec une grosse charge poétique...
Mourir auprès de toi
À la base, la fille fait des sacs en feutrines. Mais quand elle recontre le prolifique Spike Jonze, alors ça donne un film d’animation en feutrine :
Un petit making-of entre deux sacs branchouilles
Clemens Kogler
Enfin, je citerai l’artiste autrichien Clemens Kogler qui propose une série d’animations sur son site, souvent des choses courtes, des films de commande, mais toujours avec une approche graphique particulière :
Pour son petit film linz09ontour, je serai curieuse de connaître sa véritable technique, en attendant, cela donne un travelling assez beau en ...point de croix.
Pour filmrisstrailer, une technique toute simple qui mêle images assez synthétique en applat, travelling et découpage.
"No digital effects or manipulation was used in the creation."